Introduction
Un trottoir, une clôture, un câble électrique… ou parfois un immeuble entier construit sur votre terrain.
Si vous êtes propriétaire et que vous découvrez qu’un voisin a occupé une partie de votre parcelle sans autorisation, vous êtes probablement face à ce qu’on appelle un empiétement.
Mais la question revient souvent : avez-vous réellement le droit d’exiger la démolition de ce qui dépasse chez vous ? Ou bien les juges peuvent-ils préférer une autre solution, jugée plus « équilibrée » ?
Une décision récente de la Cour de cassation (21 septembre 2023) rappelle avec force la règle : le droit de propriété est absolu.
Qu’est-ce qu’un empiétement ?
L’empiétement désigne la situation dans laquelle une construction ou un aménagement déborde sur le terrain d’un voisin sans autorisation.
Cela peut concerner :
-
- un bâtiment qui mord de quelques centimètres sur votre parcelle,
- une clôture ou un mur implanté au mauvais endroit,
- des câbles, canalisations ou regards techniques,
- un garage, un balcon ou un débord de toit.
🔎 Exemple concret : un parking collectif construit en partie sur la parcelle voisine, sans accord du propriétaire.
La règle de principe : la démolition est un droit
La Cour de cassation rappelle régulièrement que :
« Tout propriétaire est en droit d’obtenir la démolition d’un ouvrage empiétant sur son fonds, même si cela entraîne des conséquences importantes pour l’auteur de l’empiétement. »
Cela signifie que :
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- le juge ne peut pas refuser la démolition au nom de la proportionnalité (par exemple : parce que la destruction coûterait très cher, priverait un immeuble d’électricité ou gênerait la collectivité),
- l’empiétement, même minime, porte atteinte au droit de propriété et doit cesser.
⚖️ Décision clé : Cass. 3e civ., 21 septembre 2023, n° 22-20.311.
Dans cette affaire, des copropriétaires avaient installé plusieurs équipements techniques et un parking sur le terrain voisin. La cour d’appel avait refusé la démolition au motif que celle-ci aurait eu des conséquences disproportionnées. La Cour de cassation a annulé ce raisonnement.
Les limites et nuances à connaître
Si le principe est clair, la pratique appelle quelques précisions :
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- Prescription acquisitive (usucapion) : si l’empiétement dure depuis plus de 30 ans, l’occupant peut parfois invoquer l’acquisition de cette portion de terrain.
- Tolérance ou convention : il arrive qu’un voisin ait bénéficié d’une autorisation écrite ou tacite (par exemple une servitude de passage ou d’ancrage).
- Erreur de bornage : un empiétement est parfois lié à une erreur matérielle dans le cadastre ou le bornage.
Dans tous les cas, la preuve de la limite de propriété reste essentielle.
Comment réagir face à un empiétement ?
1. Vérifier vos titres et vos limites
Commencez par relire :
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- votre titre de propriété (acte notarié),
- le plan cadastral (indicatif mais non probant juridiquement),
- et, si nécessaire, faites réaliser un bornage contradictoire par un géomètre-expert.
2. Faire établir un constat
Un huissier de justice (désormais appelé commissaire de justice) pourra dresser un constat précis de l’empiétement.
👉 Ce document aura une force probante importante devant un tribunal.
3. Tenter une résolution amiable
Avant toute action judiciaire, il est recommandé de discuter avec votre voisin, directement ou par l’intermédiaire d’un avocat ou d’un médiateur.
Parfois, un accord est possible (déplacement de clôture, indemnisation, reconnaissance de servitude).
4. Saisir la justice
Si aucune solution n’est trouvée, vous pouvez saisir le tribunal judiciaire pour demander :
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- la démolition de l’ouvrage,
- éventuellement des dommages et intérêts pour le préjudice subi.
Pourquoi agir rapidement ?
Plus le temps passe, plus la situation se complexifie :
-
- le voisin peut invoquer la prescription trentenaire,
- l’ouvrage devient difficile à modifier (par exemple un immeuble habité),
- les preuves risquent de se perdre.
Agir tôt permet de préserver vos droits et d’éviter un contentieux long et coûteux.
📌 Points clés à retenir
-
- Le droit de propriété est absolu : tout empiétement ouvre droit à la démolition.
- Les juges ne peuvent pas refuser la démolition au nom de l’équité ou de la proportionnalité.
- Les preuves (constat, plans, titres) sont déterminantes.
- Chaque situation doit être analysée selon ses spécificités (prescription, servitude, conventions).
Conclusion
Découvrir qu’un voisin a empiété sur votre terrain est une situation éprouvante. Le droit est clair : vous pouvez exiger la démolition de l’ouvrage, même si cela entraîne des conséquences lourdes pour l’auteur de l’empiétement.
Mais chaque dossier est particulier. Avant toute démarche, il est essentiel de réunir vos preuves et d’analyser les éventuelles exceptions (prescription, servitudes, tolérances).
📩 Vous êtes concerné par un empiétement ?
Vous pouvez consulter un avocat afin d’évaluer précisément vos droits et vos options.
⚠️ Avertissement : Cet article est fourni à titre purement informatif et général. Il ne constitue pas un conseil juridique personnalisé. Pour toute situation particulière, il est recommandé de consulter un avocat.
➡️ Mon voisin a construit un mur de 10 cm sur mon terrain. Est-ce suffisant pour exiger la démolition ?
Oui. Même un empiétement minime peut justifier une démolition.
➡️ Si l’ouvrage existe depuis plus de 30 ans, puis-je encore demander la démolition ?
Pas nécessairement : le voisin peut invoquer la prescription acquisitive (usucapion). Un examen précis de la situation est indispensable.
➡️ Le cadastre suffit-il pour prouver un empiétement ?
Non. Le cadastre a une valeur indicative. Seul un bornage par géomètre permet de fixer juridiquement la limite séparative.
➡️ Dois-je forcément aller au tribunal ?
Pas toujours. Une médiation ou une négociation peut parfois résoudre le litige, mais si aucun accord n’est trouvé, le juge devra trancher et une expertise peut être nécessaire.