Résumé
Vous n’avez pas à prouver la cause exacte d’un sinistre pour engager la responsabilité décennale d’un constructeur. Il suffit d’établir qu’au regard de la nature ou du siège des désordres, ceux-ci entrent dans la sphère d’intervention du constructeur recherché. Une fois ce lien d’imputabilité démontré, la présomption de responsabilité de l’article 1792 du code civil joue. Le constructeur ne peut s’en exonérer qu’en prouvant une cause étrangère. Cette solution a été réaffirmée par la Cour de cassation le 11 septembre 2025 (incendie parti du tableau électrique), et s’inscrit dans une jurisprudence constante.
Points-clés à retenir
- Preuve allégée pour le maître d’ouvrage : pas besoin d’identifier la cause précise du dommage. Prouvez l’imputabilité aux travaux du constructeur.
- Présomption de responsabilité : dès que l’imputabilité est acquise, la responsabilité de plein droit s’applique. Seule la cause étrangère prouvée libère le constructeur.
- Limite : la présomption ne vise pas les intervenants dont il est certain que les désordres ne relèvent pas de leur périmètre.
Le cadre légal en 3 repères
1) L’article 1792 du code civil
Tout constructeur est responsable de plein droit des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination, sauf preuve d’une cause étrangère.
2) Qui est “constructeur” ?
Architecte, entrepreneur, technicien, contrôleur technique, vendeur après achèvement… La liste figure à l’article 1792-1 du code civil.
3) Assurance et délais
La responsabilité est décennale à compter de la réception. L’assurance RCD et l’assurance dommages-ouvrage complètent le dispositif.
L’arrêt du 11 septembre 2025 : ce que décide la Cour
Les faits simplifiés
Incendie d’une maison. Départ de feu localisé au tableau électrique posé par l’électricien. L’expert ne peut déterminer la cause précise en raison des destructions, tout en écartant certaines hypothèses externes. La cour d’appel rejette la demande : pas de certitude sur un vice du tableau.
La cassation
La Cour de cassation casse l’arrêt :
- Il suffit d’établir qu’il n’est pas exclu, au regard de la nature ou du siège des désordres, qu’ils relèvent de la sphère d’intervention du constructeur.
- Une fois l’imputabilité établie, on n’exige pas la preuve de la cause exacte. Seule la cause étrangère peut exonérer.
Portée
La Cour réaffirme une conception objective de la responsabilité : elle découle de la participation à l’ouvrage affecté de désordres décennaux. Cette lecture prolonge les décisions antérieures : 1999 (la recherche de la cause n’est pas exigée) et 2015 (exclusion quand les désordres ne sont pas imputables à l’intervenant visé).
Imputabilité vs cause : ne pas confondre
- Imputabilité : rattachement des désordres à la sphère d’intervention du constructeur. Preuve requise : montrer, par la localisation et la nature des désordres, que son lot est concerné.
- Cause : mécanisme précis du sinistre (défaut A, erreur B). Non exigé du maître d’ouvrage une fois l’imputabilité démontrée.
Exemple pratique : un incendie part du tableau électrique installé par l’électricien. Même si l’expertise n’identifie pas la pièce défaillante, l’imputabilité à l’électricien est avérée par le siège du sinistre, sauf preuve d’une cause étrangère par le constructeur.
Comment prouver l’imputabilité en pratique ?
Côté maître d’ouvrage
- Constats rapides
Photographies, constat d’huissier, témoignages de voisinage, relevés techniques. Objectif : fixer la localisation et la chronologie des désordres. - Expertise
- Amiable pour cadrer les hypothèses.
- Judiciaire (référé expertise) pour obtenir des mesures contradictoires et la communication des documents d’exécution.
Même si l’expert ne conclut pas sur la cause, son rapport peut étayer l’imputabilité.
- Chaîne contractuelle et technique
Contrats, devis, DOE, plans, procès-verbaux de réception, fiches techniques. Ils attestent de la mission réelle de chaque intervenant. - Assurances
Déclaration rapide à la dommages-ouvrage et aux assureurs des constructeurs visés. Cela facilite le financement des réparations urgentes.
Côté constructeur
- Traçabilité
DOE complet, fiches de contrôle, PV d’essais, rapports Consuel. Plus la trace est solide, plus il est possible de contester l’imputabilité. - Recherche de cause étrangère
Fournir des éléments objectifs : acte de tiers, force majeure, fait du maître d’ouvrage (usage anormal, modification postérieure), vice d’un matériel non fourni s’il remplit les critères de la cause étrangère. La simple incertitude ne suffit pas.
Conséquences pratiques pour les litiges en construction
Pour les propriétaires
- Allégez votre preuve : concentrez-vous sur où et comment se manifestent les désordres, et sur qui est intervenu à cet endroit du lot.
- Ne différez pas : la réception fait courir les délais. En cas d’urgence, agissez en référé pour obtenir une expertise judiciaire.
- Mobilisez l’assurance : la DO permet d’indemniser sans attendre l’issue du procès au fond.
Pour les professionnels du bâtiment
- Sécurisez l’imputabilité : définissez précisément le périmètre de mission dans vos contrats, et archivez vos contrôles.
- Anticipez la défense : si vous contestez, apportez des éléments techniques montrant que, de manière certaine, les désordres sont étrangers à votre lot, ou prouvez une cause étrangère. La simple absence d’identification de la cause ne vous exonère pas.
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Article informatif, rédigé à jour des décisions citées. Il ne constitue ni consultation personnalisée ni publicité comparative. Chaque situation exige une analyse au cas par cas au regard des pièces et contrats.




